Lettre à mon père

C’est dans le cadre d’une démarche thérapeutique que je t’écris ce courrier à toi mon père, moi Marie-France 37 ans la femme d’aujourd’hui pour guérir l’enfant que j’étais  autrefois et qui m’empêche d’être mère en cet instant de ma vie.

Il est essentiel pour moi aujourd’hui de libérer l’enfant que j’étais autrefois de ce sentiment d’abandon et d’impuissance, afin que la femme que je suis aujourd’hui puisse pleinement enfanter.

Dame Chapelle, ma psy-coach, m’a suggéré d’extérioriser en bloc mes ressentiments sur le papier. Cette démarche me permettra de me libérer de mes blessures et du poids de mon passé, qui entravent ma capacité à devenir maman aujourd’hui.

Selon Dame Chapelle, « Les mots qui soulagent les maux. » Les mots non-dits à haute voix restent des maux dits à l’intérieur de soi, provoquant ainsi une maladie (mal a dit).


Cela fait plus de 15 ans que je n’ai quasiment pas de tes nouvelles, mais je tiens à te rassurer : je n’ai pas envie d’en avoir.

J’ avoue que la présence rassurante de ce père de mon enfance et de mon adolescence me manque, même si j’ai effacé ou enfoui de nombreux souvenirs vécus ensemble.

C’est vrai aussi qu’enfant financièrement tu as tout fait pour que je ne manque de rien, pour que je fasse de hautes études afin de ne pas galérer comme toi et maman.

Quand je me replonge dans cette époque, je me revois à la plonge de ton restaurant, travaillant dur pour vous aider, toi et maman. Je n’avais que 12 ans.

Je n’ai pas oublié que l’enfant que j’étais a travaillé très dur à l’école pour que vous soyez fiers de moi. Je me souviens aussi des images où je te sens heureux, et c’est cette énergie que j’aspire à laisser vibrer en moi, c’est du moins l’objectif de ma thérapie.


Avec l’accompagnement de Dame Chapelle, j’essaie d’accepter les raisons qui t’ont poussé à quitter maman, ou plus précisément la femme qui était ton épouse.

Quand je vois maman aujourd’hui, avec son caractère bien trempé, son obstination, son manque d’intégration et son isolement volontaire, je suis bien obligée d’admettre que vivre avec elle ne devait pas être facile pour toi.

Puisque moi-même j’ai du mal à communiquer avec elle, je ne sais pas trop comment m’y prendre. J’ai peur de la blesser, alors qu’en tant que sa fille, je devrais pourtant me sentir à l’aise, ce qui n’est pas le cas.

J’ai compris que ce sont vos années de galère, à travailler comme des forçats, qui vous ont éloignés l’un de l’autre. J’essaie de m’en imprégner, de l’accepter mentalement pour que cela devienne une vérité en moi. Bien sûr, cela demandera encore un peu de temps pour que je me détache de ce vécu.

  Je me sens blessée par le manque de communication, par ce silence vis-à-vis de moi, ce regard fuyant. J’avais le sentiment que tu cachais des choses horribles sur notre famille que nous avions fuie.

Ce qui me blesse le plus, c’est que tu essayes de me culpabiliser en exigeant de moi, à peine devenue adulte, d’être redevable sur le plan financier. Ce devoir de l’enfant qui ensuite doit payer pour son parent, c’est presque comme de la prostitution. Du jour au lendemain, tu t’es enfui quelque part dans un pays étranger, nous abandonnant sans aucune nouvelle.

Puis un jour, des années après tu me contactes pour m’indiquer que tu as refait ta vie avec une autre compagne avec laquelle tu as eu d’autres enfants.

Sur le coup, je me sens triste, désemparée mais le pire c’est que tu oses me demander, à moi ta fille de t’envoyer  de l’argent pour que tu puisses nourrir cette nouvelle famille. Te rends-tu compte de l’insulte, de l’humiliation !

J’ai bossé comme une esclave pour vous aider toi et maman au restaurant. J’ai bossé doublement pour avoir la réussite au niveau des études et toi, tu me demandes encore de bosser pour toi pour des choix qui ne me concernent plus.

Je ne connais pas la joie de vivre, je n’ai connu que les devoirs parentaux, les devoirs scolaires, les devoirs de bonne petite fille au point qu’à 18 ans, je prends la pilule pour mes règles et je me vois affublé de l’image de « Marie couche toi là » !

J’ai été une enfant modèle et ce n’était pas suffisant à vos yeux : maman qui se renferme et toi qui te débine. Maman ne demande rien parce que je ne me suis pas aperçue qu’en bonne petite fille je la servais et l’avais mise dans un certain confort financier, parce que  là encore je me sentais redevable …..

J’ai essayé de minimiser, de faire taire ma petite voix intérieure … je suis restée la fille charitable, dans la compassion… mais à quel prix ?

J’ai tué ma vie, mes envies. Donc ce courrier a pour but de me soulager de toutes ses souffrances que je me suis infligée et qui me torturent…

Oui, je suis en colère. Oui, j’ai de la rancœur. Oui toute cette injustice me révolte, et à la fois m’attriste  aussi.

Tu m’as appris à être forte…. Dame Chapelle me montre que non, parce que je suis impuissante à donner la vie.

Ce courrier est une bouffée d’air frais, une petite graine semée au gré du vent et d’autres courriers suivront afin d’enclencher ma fécondation  .

Ah, c’est vrai, tu ne connais pas Cyril mon amoureux. C’est vrai que tu ne sais peut-être pas ce que je suis devenue : une main de fer dans un gant de velours. Oui, j’ai envie de crier « OUI » à la vie !

Oui, j’ai envie de créer en moi un endroit magique pour que les graines puissent se développer et grandir en moi.

Je ne sais pas si je t’envoie ce courrier. Qu’importe, pour l’instant je me sens fière d’avoir pu mettre mes maux par des mots sous la dictée de Dame Chapelle .

Ah, il y a 3 ans, tonton Victor m’a montré une photo de ta nouvelle famille. Cela m’a paru bizarre.

Oui, je t’ai reconnu .  Tu semblais heureux et cela va m’aider à me détacher de toi, même s’il y a encore une pincée de douleur.

Chacun d’entre nous aujourd’hui vit sa vie sans obligation de l’un vers l’autre : c’est ce qui important et primordial pour moi.

J’ai envie de me sentir en paix avec moi-même. J’ai envie d’accepter la vie pour moi sans aucun devoir, rien que pour le plaisir.

Marie-France

CONCLUSION

Sur mon insistance ,le courrier a finalement été envoyé et Marie-France 42ans a pu enfanter et accoucher d’un beau bébé, parce qu’elle avait extériorisé ses ressentiments à ses parents, et surtout à son père .Elle a une belle petite fille.

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